Horizon : Bertrand Legrand, qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre ?
Je ne suis pas un grand écrivain mais un copain urgentiste de Paris a parlé de moi. Je me suis dit que je pouvais lui faire confiance et le moment était un peu particulier. Je me suis dit que mes enfants auront un livre à lire (rires).
Ce livre est présenté comme un « coup de gueule », pourquoi ?
Dès le départ, j’avais alerté sur plusieurs choses. Au démarrage, on disait qu’il fallait fermer les frontières car l’épidémie venait de l’extérieur. C’était déjà trop tard. Le foyer se trouvait au départ à Wuhan, centre économique important dans le monde. On savait parfaitement que le nombre d’acheteurs rapatriés était démentiel. Je commençais déjà à râler à ce moment-là. J’ai aussi constaté que de nombreux patients qui revenaient de Chine n’ont pas été testés car ils étaient revenus depuis plus de 15 jours. Enfin, il y a eu un problème avec les masques. Les médecins sont en première ligne et on les a reçu très tardivement.
« Le besoin de masques était clair dès novembre »
Comment expliquer cette pénurie de masques alors que les professionnels de santé ont lancé plusieurs alertes ?
On savait très bien que la Covid était un virus respiratoire. C’est pour cela que nous avons réclamé la distribution de masques FFP2 pour les personnels soignants. Le besoin de masques était clair dès novembre mais le ministère ne s’est pas rendu compte. Le seul stock de masques FFP2 a été envoyé en Chine sauf que nous n’avons pas eu la réciproque. Il fallait nous dire dès le départ qu’il nous en manquait et qu’ils allaient arriver plus tard. Les médecins ont pris des risques, ils auraient pu examiner leurs patients dehors ou encore fermer les cabinets pour éviter qu'ils soient contaminés.
En temps que médecin, quel a été votre regard sur ce qu’il s’est passé en France depuis que la pandémie est arrivée sur notre sol ? Avez-vous vu des choses que le grand public ignore ?
Aujourd’hui, on ne comprend pas encore ce qui fait la gravité d’un virus comme la Covid. Pourquoi nous avons eu une vague très importante en mars et pourquoi nous avons une flambée des contaminations en août sans avoir d’hospitalisations ? Nous ne le savons pas. L’incertitude est normale en science, on devra faire mieux la prochaine fois. On se devra d’expliquer les éléments que nous ne connaissons pas.
En publiant ce livre, quelles sont vos attentes?
Je me suis donné comme objectif d’écrire mes émotions du moment. Je n’ai pas pu réécrire mes émotions a posteriori. En tout cas je n’ai pas d’objectifs de vente.
Propos recueillis par Géraud Lefebvre.
