C’est un problème récurrent depuis des années et qui gâche la vie des habitants de Douvrin. Imaginez : une eau rousse, voire marron qui sort des robinets de plusieurs habitations. Le phénomène est surtout visible chez ceux qui ne mettent pas de filtres. Il a même tendance à s’amplifier à certaines périodes après des travaux sur le réseau d’eau potable. C’est le cas depuis le début de la semaine. « On a le devoir d’alerter la population sur ce problème qui dure et qui traine. L’eau est comme ça depuis qu’on a emménagé ici, il y a huit ans », souffle Éric Bednarowicz. Le sexagénaire a fait de ce problème un véritable combat.
Pour collecter des témoignages d’habitants également touchés, il a créé il y a deux ans l’ACERD – Association contre l’eau rousse à Douvrin. La structure permet notamment de cartographier les zones impactées dans la commune. « Ce sont surtout les quartiers nord, sud et le centre-ville », explique-t-il. C’est aussi au nom de l’association que les riverains contactent le gestionnaire Véolia, la mairie, la préfecture ou encore l’Agence Régionale de Santé. La pile de courriers grossit au fil des mois, mais le souci, lui, n’est toujours pas résolu.
Des questions sans réponses
Pourquoi l’eau est-elle rousse/marronnée ? De quoi sont composées les particules en suspension ? Est-ce dangereux pour la santé ? Toutes ces interrogations sont légitimes au regard de la ressource à l’apparence peu ragoutante. Face à la récurrence du problème et au mutisme des pouvoirs publics et de Véolia, l’ACERD mène seule l’enquête. Une analyse réalisée par l’Agence Régionale de Santé en 2020 a permis d’écarter une présence dangereuse de fer. « Les taux sont minimes. Véolia incriminait pourtant le fer dans cette histoire », détaille Éric Bednarowicz. « Le problème c’est que tout le monde se renvoie la balle », poursuit le retraité. En attendant une éventuelle solution, c’est la débrouillardise qui prime. Les riverains concernés s’équipent de filtres, mais ils ne font pas long feu. Le sexagénaire les change tous les mois, contre une fois tous les six mois en temps normal.
Filtrée une première fois en sortant du robinet, l’eau est souvent refiltrée. La parade ultime est d’utiliser l’eau en bouteille pour cuisiner ou encore faire le café. Valérie, la femme d’Eric, doit d’ailleurs refaire le stock. « On est à dix packs par semaine ! Vive l’écologie », ironise-t-elle dépitée, avant de poursuivre « Je ne vous parle même pas de l’état de ma machine à laver pourtant neuve… les joins sont déjà noirs ».
Un préjudice moral
Si le quotidien est complètement bouleversé, le pire est sous doute l’impact psychologique de ce problème d’eau. Cédric Cinquin, qui habite dans le sud de la commune, a dû complètement refaire sa salle de bain, noircie par l’eau. « Ma femme, elle, voudrait déménager », nous confie ce père de famille. Il souhaite de tout de même s’impliquer dans les investigations pour découvrir les éventuels dangers pour la santé, notamment celle de son petit garçon de trois ans. « On nous a conseillé de ne laver notre fils qu’un jour sur deux. On a remarqué qu’il faisait des plaques rouges quand il était dans son bain ». Inquiète, Valérie Bednarowicz l’est aussi, mais elle se dit prête à « aller jusqu’au bout ».
Pour aller jusqu’au bout, les riverains concernés et l’association veulent continuer à favoriser le dialogue avec les différents acteurs. Aucune action en justice n’est pour l’instant envisagée. «L’idée c’est de regrouper le plus d’éléments concrets possibles pour nous protéger. On souhaite être les plus transparents possibles », conclu Eric Bednarowicz.
L’association soutenue par la mairie de Douvrin compte actuellement une cinquantaine de témoignages. Certains proviennent aussi de la commune voisine, Billy-Berclau. Prochaine étape : de nouvelles analyses seront prochainement réalisées par un laboratoire indépendant et encadrées par un huissier de justice.