C’est une nuit dramatique qui a marquée le Béthunois. Le 7 janvier 2018, trois membres d’une famille qui résidait à Estrée-Blanche étaient tués dans l'incendie d'une maison. Deux pompiers volontaires de la caserne de Lillers ont également perdu la vie, Arnaud Dauchy, âgé de 21 ans, qui était originaire de Gonnehem et Jonathan Cottret, âgé de 32 ans, de Lillers.
Six ans se sont écoulés depuis et la famille d’Arnaud Dauchy cherche toujours des réponses. Elle estime qu’une série de fautes à conduit à la mort des deux sapeurs-pompiers. En conséquence, elle a décidé de poursuivre le Service Départemental d'Incendie et de Secours du Pas-de-Calais (SDIS 62).
Entretien avec Diane Laur, avocate au barreau de Béthune, qui défend la famille d’Arnaud Dauchy.
HorizonActu : Qu'avez-vous demandé au tribunal administratif de Lille le 24 septembre dernier ?
Diane Laur : "Le but de cette procédure c'est de démontrer qu'il y a eu des fautes commises lors de cette intervention. Il y a eu des fautes de commandement et de coordination entre les différents centres qui sont intervenus. Quatre centres sont intervenus, celui d’Aire sur la Lys, de Lillers, de Pernes en Artois et de Saint Omer. Ça été un chaos total ce soir-là. On veut que la responsabilité du SDIS sur les fautes qui ont été commises et qui, à notre sens, ont coûté la vie à Arnaud, soit reconnue. Donc, c'est vraiment une procédure purement administrative et en indemnisation même si, effectivement, cette indemnisation n'est pas le but de cette procédure. C'est vraiment très important pour la famille d'Arnaud. Quand on est sapeur-pompier volontaire, évidemment il y a toujours un risque mais, ce soir-là, le risque qu'on lui a fait prendre était totalement démesuré et on aurait pu éviter ce drame."
"On considère qu'Arnaud a été envoyé à la mort ce soir-là"
Comment ça se passe pour la famille ? Comment appréhendent-ils cette échéance ?
D.L : "C'est très particulier. C'est à la fois très attendu et très redouté pour eux puisque c'est extrêmement douloureux. Je défends une famille qui est d'une très grande dignité et d'une très grande pudeur. Ils respectent tout à fait les institutions. Il n'y a aucune attitude de vengeance envers le SDIS. C'est vraiment l'intervention qui est remise en cause. Il n'y a pas non plus d'animosité à l'égard de l'institution judiciaire malgré les délais, on prend effectivement notre mal en patience.
C'est énormément de souffrance pour eux. La maman, qui depuis 6 ans pleure la mort de son fils, va 2 fois par jour sur sa tombe. Elle garde malgré tout le sourire. C'est quelqu'un qui est toujours très positif et qui est assez extraordinaire dans la façon de gérer les choses. Vous avez également son frère, qui était présent sur les lieux du drame et qui a vu Arnaud mourir sous ses yeux. Il faut imaginer la souffrance de ce frère, mais là encore, il reste debout pour la mémoire d'Arnaud. On a une famille unie, soudée, qui attend en réalité de la justice des réponses sur cette intervention qui a dégénéré. Pourquoi ce chaos ? Pourquoi on n'a pas pu faire autrement ? Ce sont les réponses à ces questions qu'ils attendent et ils auraient aimé les avoir de la part du SDIS sans devoir passer par des procédures.
Ça n'était d’ailleurs pas leur intention de prime abord, mais le SDIS n'a pas voulu reconnaître les difficultés de ce soir-là et donc on a engagé des procédures. On considère qu'Arnaud a été envoyé à la mort ce soir-là. C'est un terme fort, un terme dur, oui, mais, très sincèrement, le déroulé de l'intervention nous fait dire que ce drame aurait pu être évité."
"Il y a eu une succession de fautes"
En quoi les éléments à votre disposition vous font-ils dire que cette responsabilité est claire ?
D.L : "Elle l’est pour nous. À titre d'exemple, la reconnaissance sur les lieux n'a pas été bien faite. On a fait rentrer Arnaud par l'avant de la maison, une petite fenêtre à l'avant, alors qu'on sait que les personnes à sauver étaient à l'arrière. Il y a eu des fautes de reconnaissance. On a eu des fautes aussi dans le timing de l'intervention. Il s’avère que les pompiers, des différents centres, n'avaient pas tous des radios, alors que c'est obligatoire. Arnaud n'en avait pas et l’on sait qu’ils ne pouvaient pas fonctionner à la simple voix, c’était un tel capharnaüm. Il y a eu une succession de fautes."
Êtes-vous sereine sur l'issue ?
D.L : "On n'est jamais serein sur l'issue d'un d'une procédure, maintenant, c'est vrai que devant le tribunal administratif, le rapporteur public nous a suivi sur la démonstration qui a été faite. C'est un avis simple que donne le rapporteur public. C'est au tribunal maintenant de trancher. Ce besoin de vérité, il est criant, et mes clients n'ont pas fait 6 ans de procédure pour ne pas faire éclater la vérité."
Les juges rendront leur décision le 15 octobre. Le SDIS, n’a pas souhaité communiquer pour l’instant.