Le mois d’octobre permet depuis 30 ans de sensibiliser les Français au cancer du sein, par le biais de l’événement « octobre rose ». Charlotte Salomez, travailleuse sociale au CCAS de Béthune et maman de trois enfants. C’est de façon libre et décomplexée qu’elle nous livre son témoignage autour de l’annonce du cancer, ses origines et les nouveaux projets qui s’en sont suivis.
HorizonActu : Comment a-t-on détecté votre cancer ?
Charlotte : « Je venais d'avoir ma petite dernière et, lors d'un rendez-vous post-accouchement avec ma sage-femme, je lui parle des cas de cancer qu'il y a dans ma famille. Elle est assez à l'écoute et elle me propose une échographie en fin d'allaitement. Comme je devais reprendre le travail, je n’ai pas pris le temps de le faire. C’est cinq mois plus tard que je réalise une échographie et on m’annonce que l’on voit quelque chose. De ce fait, le médecin me propose de faire une mammographie. Sur celle-ci, on ne verra rien. On réalise alors un scanner où l’on voit un ganglion. Le médecin me dit alors qu'on va se laisser 5 semaines afin de voir s'il grossit ou pas.
Cinq semaines plus tard, on voit que ce ganglion a grossi. On me fait donc une biopsie et les résultats tombent quelques semaines après, seulement quelques jours avant mon mariage. Le médecin m’annonce alors un adénocarcinome a priori d’origine métastatique au poumon. Je ne comprends pas. Je n'ai jamais fumé, je ne bois pas, j'ai une hygiène de vie plutôt correcte.
D’autres analyses vont être réalisées, mais on ne trouvera finalement jamais l’origine de mon cancer. C’est par déduction à partir de mon âge, de la localisation du ganglion axillaire et de mon hérédité sur un cancer du sein triple négatif. Cela signifie un cancer du sein particulièrement agressif. Il touche essentiellement les jeunes femmes, l'âge moyen, c'est 40 ans, sachant que ça démarre vers 20 ans. Le problème, c'est que ces femmes-là sont en dehors des campagnes massives de mammographie qui démarrent bien plus tard.
Ainsi, si on n'a pas un suivi régulier, si on ne s'autopalpe pas, c'est un cancer qu'on va détecter trop tardivement et on sait qu'un cancer, plus il est pris en charge tôt, plus les chances de survie augmentent. »
"Je sais que je vais transformer la vie de ma famille"
HorizonActu : Comment avez-vous vécu cette annonce ?
Charlotte : « Après l’annonce, je n’ai pas voulu rentrer chez moi tout de suite parce que je savais que mes enfants n’étaient pas encore couchés. Je sais, à cet-instant, que je vais transformer la vie de ma famille à jamais et je n'ai pas envie de leur imposer ça. J'appelle d'abord ma mère pour lui dire. Elle a abandonné ses amis au restaurant pour venir me voir et c'est elle qui l'annoncera à mon mari, d'ailleurs. J’ai également appelé deux de mes amis, une qui savait que j'avais ce rendez-vous-là et une autre qui viendra alors me chercher parce qu’à ce moment-là, je suis incapable de conduire, de bouger et de faire quoi que ce soit. »
HorizonActu : Qu’est-ce qui a été le plus compliqué ?
Charlotte : «La perte de cheveux, ça a été très compliqué. Déjà en amont, c'était la chose qui me faisait le plus peur. Très vite, je me suis tourné vers une professionnelle pour avoir une prothèse capillaire. Je ne l’ai d’ailleurs pas beaucoup porté parce que c’était l’été et je ne supportais pas la perruque. C’était pour certains moments afin de ne pas être stigmatisé. Le regard des autres, il n'est pas forcément malveillant, mais je n'avais pas envie d'être prise que pour une personne malade. On perd les cheveux, mais aussi les sourcils. Et ça, c'était compliqué. Je ne voulais même pas que mes enfants me voient comme ça.»
"Au fur et à mesure, j’ai réussi à trouver les mots"
HorizonActu : Et avec vos enfants ?
Charlotte : « J'ai eu, tout d'abord, du mal à mettre des mots parce qu'au départ, tout simplement, je n'en avais pas. On ne savait pas l'origine de ce que j'avais. Donc, comment expliquer à des enfants de 7 ans, 3 ans et 1 an, c'est compliqué. Je leur ai, par la suite, expliqué que j’étais malade. Je leur ai dit, on a trouvé une boule, on ne sait pas trop d'où elle vient et je vais avoir un traitement. Au fur et à mesure, j’ai réussi à trouver les mots.»
HorizonActu : Il y a un an, vous créez votre association, les Fées des Possibles. À quel moment, avez-vous eu envie de transmettre ce que vous avez vécu ?
Charlotte : « Très rapidement, mais je pense que c'est aussi parce que je suis travailleuse sociale. J'ai eu besoin que quelque chose de positif ressorte de cette expérience. Moi, j'ai eu la chance d'être soutenue, d'avoir ma famille, mes amis, qui étaient vraiment un pilier dans mon combat, et je me suis rendu compte que tout le monde n'avait pas cette chance. Le déclencheur, c’est lorsque l’on a diagnostiqué un cancer à une amie. Elle est partie quelques mois après et là, je me suis dit qu'on ne pouvait plus attendre, c'était maintenant. C’est donc en octobre 2023 que l’association a été créée. »
"Sensibiliser dès le plus jeune âge"
HorizonActu : Aujourd’hui, vous intervenez sur des événements sportifs et dans les lycées pour sensibiliser ?
Charlotte : « Exactement, je dis sensibiliser, car je ne suis pas une professionnelle médicale. Bien sûr, nous avons des infirmières autour de nous dans notre association. Ce qu'on veut avec cette association, c'est sensibiliser dès le plus jeune âge. Apprendre à une fille à quoi ressemble son corps, être plus à l'écoute, parce que ça, on n'a plus l'habitude. C'est vraiment l'objectif de créer un automatisme avec l’autopalpation. »
HorizonActu : Si l’on souhaite s'engager à vos côtés, quelle est la marche à suivre ?
Charlotte : « Pour l’instant, nous n’avons que 40 adhérents. Il ne faut pas hésiter à nous envoyer un message, et puis on vous enverra le formulaire d'adhésion. Il est aussi disponible sur Hello Asso. Et si vous souhaitez nous rejoindre sur des événements, vous pouvez vous rendre sur nos réseaux sociaux. On recherche d’ailleurs quelqu’un qui peut nous aider. »
Contact par mail : lesfeesdespossibles@gmail.com