Après d'importantes manifestations en début d'année, les agriculteurs appellent à une reprise de la mobilisation. Les représentants des syndicats majoritaires, la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs, ont annoncé des manifestations à partir du 15 novembre. Plusieurs opérations coup de poing ont repris en France. Dans le Pas-de-Calais, des actions pourraient être organisées également.
Entretien avec Gabriel Trolet, exploitant agricole à Hersin-Coupigny et président FDSEA du territoire du Béthunois.
HorizonActu : Presque un an après l'importante mobilisation des agriculteurs, la colère est toujours présente ?
Gabriel Trolet : "On a eu une moisson compliquée cette année avec des rendements historiquement bas. Il y a aussi eu des mauvaises conditions météo avec des récoltes tardives. Tout cela est venu s'ajouter à la frustration que l'on a eue par rapport au résultat final des mobilisations en début d'année. Il y a eu beaucoup de promesses et, de manière générale, sur les fermes, on n’a pas vu grand-chose comme amélioration.
Il y a même des signaux qui nous mettent en alerte. Tout d’abord, le Mercosur - un accord de libre échange qui vise à faciliter les échanges commerciaux entre l'Union européenne et les pays d'Amérique du Sud - La position de la France était pourtant claire, elle ne voulait pas signer cet accord. Aujourd'hui, on se rend compte que l'Union Européenne veut passer outre la position de la France et souhaite négocier pour la ratification de cet accord.
Selon les premiers échos, c'est l'agriculture qui pourrait être la variable d'ajustement dans ce traité. On parle d'un fond de compensation agricole. Pour nous, c'est complètement intolérable.
Un deuxième exemple qui risque de provoquer la grogne, c'est ce qu'on appelle le PAR (plan d'action renforcé). C'est tout ce qui gère notamment les conditions d'épandage, donc des fumiers. Ce programme est complètement illisible. Un simple e-mail avec les décrets d'application nous a été envoyé. On dit aux agriculteurs de se débrouiller. Or, c'est très compliqué à mettre en œuvre, il faut de la pédagogie.
Des exemples comme cela, il y en a une multitude et c'est pour ça qu'au niveau national, la FNSEA fait un appel à la mobilisation à compter du 15 novembre. Il y a une très forte probabilité que les agriculteurs dans le Béthunois et dans le Pas-de-Calais mènent des actions."
Des actions dans le Béthunois ?
Concrètement, un an après votre mobilisation, vous n’avez pas vu d'avancées ?
G.T : "On a eu quelques avancées, notamment au niveau européen avec la mise en pause de la jachère, mais ce n’est pas suffisant. Un des motifs de grogne du début d'année, c'était la simplification administrative. Aujourd’hui, on nous complexifie davantage notre métier. On pensait que nos élus et nos administratifs avaient compris le message, mais visiblement pas. S’il faut que l’on retourne dans la rue, et même de façon plus radicale, nous savons le faire."
Quand vous dites plus radical, c’est-à-dire ?
G.T : "Clairement, s’il faut que l’on montre davantage nos muscles pour être entendu, on le fera. Malheureusement, si on ne fout pas le bordel, les pouvoirs publics ne réagissent pas. Donc c'est triste à dire, mais ce qu'il s'est passé il y a quelques années avec les gilets jaunes, par exemple, ils ont eu gain de cause parce que le mouvement est devenu plus radical. S’il faut en arriver à des extrémités, ce que je déplore et ce que je ne veux pas, on le fera. Il y a un tel niveau de frustration chez les agriculteurs. Dans le Béthunois, je pense que l’on va avoir des actions comme dans le reste du département, mais à l’heure actuelle, rien n’est encore validé."