Gregory Tempremant, président de l'Union des Syndicats de Pharmaciens d'Officine des Hauts-de-France revient sur l’impact de ces nouvelles interdictions, qui prennent effet ce mercredi 11 décembre.
Quel est votre position au sujet de l’interdiction de ces 8 médicaments en libre accès ?
On parle de médicaments pour le rhume à base de pseudo-éphédrine. Le pseudo-éphédrine, c'est un médicament qui est un vasoconstricteur, qui décongestionne au niveau du nez, mais qui a aussi des effets secondaires sur les autres vaisseaux. C’est ce qui peut entraîner des infarctus ou des accidents vasculaires cérébraux. Le fait que ça soit retiré du marché, ce n'est pas une surprise pour nous, pharmaciens, puisqu'il y a déjà eu plusieurs alertes de pharmacovigilance qui ont été faites depuis plusieurs années. On en parle régulièrement. Aujourd'hui, de toute façon, ça ne fait plus partie des molécules que conseillent spontanément les pharmaciens, puisque ça fait déjà un petit moment que l'on conseille autre chose pour les demandes spontanées de patients qui ont des symptômes de rhume à l'officine.
Vous évoquiez le cas des pharmaciens, est-ce que les médecins se tournent également vers d'autres médicaments, ou ils sont restés fidèles à ces produits-là ?
Non, ce sont des médicaments qui sont très peu prescrits. C'étaient des produits qu'on disait conseils, des produits que les patients pouvaient avoir sans ordonnance, mais ce n'étaient pas des médicaments qui étaient prescrits. D'ailleurs, ce sont des médicaments qui n'étaient pas remboursés par l'assurance maladie. Je ne suis pas sûr, d'ailleurs, que le fait que ça soit soumis à prescription médicale, que les médecins vont le prescrire, parce que ça ne fait pas partie non plus maintenant des recommandations à la fois pour les pharmaciens et pour les médecins.
Et puis, l'objectif, c'est de diminuer le mésusage, que le médicament soit délivré spontanément par le pharmacien ou prescrit par le médecin au départ. Je ne suis pas sûr que ça réduise le mésusage. Mais dans tous les cas, ça attire la vigilance des patients pour ne pas utiliser le médicament, en dehors des conseils des médecins et des pharmaciens. Mais ça, c'est valable pour tout médicament. Ce ne sont pas des produits anodins.
Pourquoi le retrait à cette date, est-ce qu'on peut revenir sur ce calendrier ?
D'après le communiqué de l'ANSM, l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament, il s'avère qu'ils avaient émis, eux, plusieurs alertes, qui avaient eu comme conséquence la baisse de consommation de ce type de médicaments, mais il s'avèrerait qu'il y a une recrudescence de l'utilisation de ces médicaments par les patients, qui nécessite finalement cette restriction en termes de prescription médicale obligatoire pour ce type de médicament-là. C'est juste qu'il y a une recrudescence de l'utilisation de ces médicaments-là, malgré les alertes qui auraient pu être faites depuis plusieurs années. Ce sont des médicaments qui ont une saisonnalité. C'est vrai que ce sont des médicaments qui étaient beaucoup plus délivrés à cette période-là, où il y a toutes les pathologies hivernales qui arrivent, donc forcément qui attirent, qui répondent aux besoins et aux attentes des patients qui sont enrhumés et qui veulent limiter assez rapidement les symptômes du rhume. Mais ce qu'il faut dire aux patients, c'est que de toute façon, un rhume, ça passe spontanément en 5 à 7 jours. Les règles basiques, c'est le lavage de nez, le paracétamol en cas de douleur, fièvre, courbature, et puis il existe des compléments alimentaires à base de plantes et d'huile essentielle qui font très bien le travail à l'heure actuelle et qui soulagent très bien les symptômes, sans pour autant avoir tous ces effets secondaires-là. Donc il y a toujours moyen d'avoir du bon conseil pour améliorer la symptomatologie du rhume. Il suffit de demander conseil à son médecin et à son pharmacien.
Est-ce que ça peut donc avoir un impact sur les officines de pharmacie ou sur d’autres patients qui s’automédicamentent ?
L'impact pour les officines est modéré, voire nul, puisque ça ne faisait déjà plus partie des produits que l'on conseillait spontanément. Puisque de toute façon, il y avait déjà eu plusieurs alertes qui avaient été faites par l'Agence nationale de sécurité du médicament, ce qui fait que ce n'était plus vraiment dans les pratiques des pharmaciens de le délivrer, ou bien on les délivrait par parcimonie en s'assurant du profil des patients chez qui on le délivrait. Maintenant, on utilise de plus en plus le lavage de nez et puis des produits qui ont le statut de complément alimentaire à base de plantes et d'huiles essentielles, qui soulagent très bien les symptômes. Donc, à la fois pour les officines et pour les patients, de toute façon, il y a toujours des alternatives, des remplacements, il faudra juste changer un petit peu les habitudes.
Et donc, il n'y a pas d'impact non plus sur tout ce qui est assurance maladie ?
Non, du tout. Ce sont des médicaments qui ne sont pas remboursés. D'ailleurs, la première étape a été le déremboursement de ces médicaments-là du fait du faible intérêt thérapeutique par rapport aux effets secondaires. Et même si maintenant, ils sont sur prescription du médecin, ce n'est pas pour autant qu'ils seront remboursés. Il y a beaucoup de médicaments aujourd'hui qui sont sur prescription du médecin, mais qui pour autant, ne sont pas remboursés. Le remboursement n'est pas lié à la prescription. Donc, il n'y aura aucun impact pour l'assurance maladie, parce que qu'ils soient prescrits ou pas, ce sont des médicaments qui ne sont pas remboursés, donc qui ne pèsent pas sur les budgets de l'assurance maladie.