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Accident mortel de Steenbecque : les familles des victimes dénoncent la lenteur de l'instruction

Ça se passe près de chez vous. Un an après le tragique accident survenu à Steenbecque, où un automobiliste avait percuté quatre randonneurs, l’instruction est toujours en cours. Les familles des victimes déplorent la lenteur de la procédure. Entretien avec Maître Antoine Régley, avocat des proches de trois des victimes.

Accident mortel de Steenbecque : les familles des victimes dénoncent la lenteur de l'instruction
Des fleurs ont été posées sur les lieux de l'accident - DR Horizon

Il s'agit d'un tragique accident qui a profondément ému la région. Il y a un peu plus d'un an, le 12 février 2024, dans la commune de Steenbecque, près de Hazebrouck, un automobiliste a percuté quatre randonneurs âgés de 69 à 77 ans, tous décédés. Aujourd'hui, l'instruction est toujours en cours et les familles des victimes expriment leur frustration face à la lenteur de la procédure. Nous avons rencontré Maître Antoine Régley, avocat des familles de trois victimes.

HorizonActu : Où en est l’instruction aujourd’hui ?

L’instruction dure depuis plus d’un an et, récemment, il m’a été indiqué que nous attendons encore les résultats de l’expertise en accidentologie, que nous avions demandée dès le début mais qui n’a été ordonnée que tardivement. Cette expertise vise à déterminer la vitesse à laquelle roulait le prévenu, pour savoir s’il roulait à une vitesse excessive.

Pourquoi il y a cette lenteur ?

Oui, c’est trop lent. Pour les victimes, c’est insupportable. Dès le départ, nous avons demandé deux choses au juge d'instruction : entendre certains proches dans le cadre de l'instruction, ce qui n'a toujours pas été fait, et ordonner l'expertise en accidentologie, ce qui a pris du temps. Il est normal que les expertises prennent du temps, car il faut examiner tous les aspects. Mais, d'un point de vue humain, c'est bien trop long. Le silence de la justice est incompréhensible pour les victimes. Elles ne comprennent pas pourquoi elles ne sont pas entendues.

Comment les familles vivent-elles cette lenteur ?

Elles n’arrivent pas à comprendre pourquoi le juge d’instruction ne les écoute pas, même pour quelques minutes. Par exemple, Sophie, la fille de Bernadette, m’a confié qu’elle avait l’impression que la justice ne prenait pas leur douleur au sérieux, comme si cela n’était qu’un « accident de petits vieux de province ». Je l’ai rassurée, lui expliquant que la justice s’intéressait à ce drame. Mais elles ont du mal à accepter ce silence.

Concernant le prévenu qui évoque s'être endormi au volant, quelle est votre position ?

La thèse de l'endormissement, même si je devais la croire, ne disculperait pas le prévenu. Lors de sa garde à vue, il a expliqué que sa fatigue provenait du fait qu’il avait conduit toute la nuit depuis Marseille, mais reprendre la route dans un état de fatigue avancé est une imprudence. Les victimes, quant à elles, ne croient même pas à cette version. Elles estiment qu'il est impossible qu'il se soit endormi subitement, notamment parce qu'il a franchi des virages juste avant, ce qui montre qu’il était encore conscient. Donc, même si nous devons prendre en compte sa version, il est coupable d’un acte imprudent.

Quelles sont les attentes des familles des victimes ?

Les victimes que je représente souhaitent avant tout connaître toute la vérité, notamment concernant la vitesse du conducteur. Elles veulent savoir si ce dernier sera reconnu coupable. Mais elles ne réclament pas, dans un esprit de dignité, que le prévenu aille en prison. Ce qu’elles veulent, c’est que ce monsieur soit privé de son permis de conduire pour longtemps, car elles estiment que c’est la peine la plus juste pour lui faire prendre conscience des dangers qu’il a ignorés. Elles n’exigent pas une sanction extrême, mais un procès rapide, la vérité et des excuses sincères. Si ce dernier a conduit trop vite, qu’il le reconnaisse et s’excuse sincèrement.

Craignez-vous que l’affaire dure plusieurs années ?

Oui, j’ai une réelle crainte que cette affaire s’éternise, car le juge d’instruction de Dunkerque manque de moyens. Les dossiers comme celui-ci prennent beaucoup de temps, et il n’y a pas de détention provisoire, ce qui fait que le dossier est moins prioritaire. Les affaires sous contrôle judiciaire peuvent durer des années. Ma crainte est que des proches, comme Yves, le mari de Bernadette, qui est fragile et âgé, ne soient pas là pour assister au procès. Si ce dossier devait durer plusieurs années, cela risquerait d’ajouter encore plus de souffrance à une situation déjà insupportable pour les familles.

Quelles actions pouvez-vous entreprendre pour accélérer les choses ?

Nous sommes trois avocats sur ce dossier et nous avons multiplié les démarches auprès du juge pour faire avancer l'instruction, notamment en demandant des expertises. Nous avons cependant obtenu ce que nous voulions, mais avec du retard. Nous avons aussi un avocat, Maître Lebas, qui connaît bien la région et qui a une certaine influence pour faire avancer le dossier. Mais juridiquement, si l’instruction prend du retard, il n’y a pas grand-chose à faire, à part faire pression pour accélérer les choses. Je crois que ce qui pourrait vraiment faire avancer l’affaire, c’est que le prévenu dise la vérité, et que l’expertise en accidentologie soit rapidement rendue.

Le prévenu est-il libre en attendant la suite de l'instruction ?

Le prévenu est sous contrôle judiciaire. Cela signifie qu’il n’est pas en détention provisoire, mais il a des obligations et des interdictions, comme celle de ne pas conduire. Son employeur lui a fourni un véhicule avec chauffeur, ce qui permet qu’il puisse se déplacer. Mais tant que son contrôle judiciaire n’est pas levé, il demeure sous cette surveillance.

Quel soutien psychologique est apporté aux familles des victimes ?

Les familles bénéficient d'un soutien psychologique important de la part des proches, de la ville et des voisins. Cependant, je pense qu’il serait nécessaire que l’État prenne en charge un soutien psychologique professionnel pour les proches des victimes, comme c’est le cas après des attentats ou des événements graves. Cela devrait être un droit pour les familles endeuillées, pris en charge par la solidarité nationale, afin de leur permettre de faire leur deuil dans de meilleures conditions.

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