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Liévin, 27 décembre 1974 : l'explosion minière qui a bouleversé la région

Lens - Liévin - Hénin. En 1974, une explosion dans les mines de Liévin a coûté la vie à 42 mineurs. Découvrez les causes et l'impact de cette tragédie marquante.

Liévin, 27 décembre 1974 : l'explosion minière qui a bouleversé la région
50 ans de la catastrophe minière de Liévin - Source : Image d'archive : Ville de Liévin

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Le 27 décembre 1974, il est un peu plus de 6 heures du matin, et dans les corons de Liévin, de Lens et des communes alentours, la lumière filtre à travers certaines fenêtres. Des mineurs sont déjà descendus au fond. Leurs enfants dorment encore, c’est les vacances. Les épouses s’occupent des tâches quotidiennes, deux jours après Noël, quelques jouets traînent dans les maisons.

Cependant, ce matin-là, le quartier de Saint-Amé, à Liévin, va entrer dans l’histoire tragique de notre région et du pays tout entier. Dans cette zone se trouvent les puits 3 et 3 bis, et à 6 heures précises, 90 mineurs ont repris leur travail après quelques jours de congé. La fosse était à l'arrêt pour les fêtes.

À 6h17, une explosion dévastatrice secoue une partie des galeries. L'explosion enflamme la poussière de charbon, le feu se propage à une vitesse fulgurante, parcourant 1 200 mètres sous terre. Les vêtements des mineurs prennent feu.

Parmi les 90 mineurs descendus au petit matin, près de la moitié, soit 42 hommes, ne reverront jamais la lumière du jour.

 

L’angoisse des familles

Pendant ce temps, dans les corons, tout est encore calme. Les familles sont encore dans l’ignorance du drame qui vient de se jouer.

Une voisine frappe à la porte : 

« Ton homme est descendu ce matin ? » 

« Oui, pourquoi ? » 

« Dans le poste, ils viennent d’annoncer un coup de poussière au 3-3 bis. »

D’autres familles l’apprennent en direct à la radio. L’angoisse monte rapidement. Les voisins se précipitent pour venir aux nouvelles et apporter du réconfort face à l’inquiétude qui envahit les épouses. Chacun voudrait se rendre sur place. Devant la fosse, seul le personnel de secours et les autorités sont autorisés à entrer. L’angoisse fait place aux cris et aux larmes alors que la foule se masse autour du site. Chaque mineur qui sort de la fosse est bombardé de questions désespérées : 

« Vous connaissez mon mari, c’est untel ? » 

« Non, je ne connais pas tout le monde. » 

« Et le mien ? » 

« Il est mort… »

Au fur et à mesure que les corps sont remontés, les noms sont lâchés, et l’espoir se transforme en douleurs terribles pour les familles. Les risques sont bien connus des mineurs et de leurs familles : le grisou, les accidents, la silicose. Mais ces hommes ont-ils le choix ? Et puis, ils sont fiers de leur métier, un métier difficile mais essentiel, qui chauffe la France et fait tourner l'industrie. Alors, on n’y pense pas ou on fait semblant.

 

Une enquête et des responsabilités

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Cette catastrophe s’ajoute aux nombreuses tragédies minières qui ont marqué l’histoire de la région, comme celle de Courrières en 1906, qui a coûté la vie à 1 099 mineurs. Le 27 décembre 1974, à 700 mètres de profondeur, 42 hommes perdent la vie. Cinq autres sont gravement blessés, et près de 140 enfants se retrouvent orphelins.

Depuis ce jour-là, l’horloge de l’église de Saint-Amé marque, jour et nuit, 6h17. Un rappel constant du courage et de l’abnégation des hommes du peuple des mines.

Le 31 décembre 1974, jour de la Saint-Sylvestre, une cérémonie est organisée à Liévin en hommage aux victimes. Toute la région, et même la France, sont émues par la tragédie survenue quatre jours plutôt. Devant l’hôtel de ville, drapé de noir, 31 cercueils sont alignés. Onze familles ont choisi de ne pas participer à l’hommage. Des mineurs en tenue, casques blancs sur la tête, entourent les cercueils. L’harmonie municipale joue La Marche funèbre de Chopin.

D’aucuns notent l’absence du nouveau Président de la République, Valéry Giscard d’Estain, représenté par son Premier ministre. Dans son discours, Jacques Chirac promet : « Toute la lumière sera faite sur cette catastrophe, toutes les conséquences en seront tirées. »

Il est vrai que la fatalité qui, jusque-là, tenait lieu d’explication aux catastrophes minières n’est plus acceptable. La véritable cause de cette tragédie doit être recherchée.
cérémonie de Liévin en hommage aux victimes du 27 décembre 1974

Une justice décevante pour les victimes

À la fin de la cérémonie, les corbillards prennent la direction des communes dont les victimes sont originaires : Avion, Bully, Douvrin, Grenay, Lens, Loos, Mazingarbe, Vendin… et bien sûr Liévin, pour 15 d’entre elles.

Une enquête est ouverte, confiée au juge Henri Pascal. Celui qui, 2 ans plutôt, s’était fait connaître en instruisant l’affaire de Bruay-en-Artois. Les mêmes causes provocant les mêmes effets, le juge Pascal est bientôt dessaisi.

Après six ans d’investigation, la justice conclut qu’une accumulation de grisou, causée par une ventilation insuffisante, une mauvaise maintenance et des pratiques dangereuses, est responsable de l’explosion.

Le 23 janvier 1981, la société des Houillères du bassin du Nord-Pas-de-Calais est reconnue civilement responsable et condamnée pour faute inexcusable.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. En 1984, la faute inexcusable est annulée en appel, et un « lampiste » est désigné : l’ingénieur de la fosse, qui écopera d’une amende de 10 000 francs. A peine, 5 mois de salaire d’un mineur de fond pour les morts de 42 hommes.

Une tragédie oubliée ?

Les promesses de Jacques Chirac ont-elles été tenues ? La vérité est désormais connue : le grisou a tué, mais la négligence des Houillères a été un facteur majeur de cette catastrophe. Quant aux conséquences, ont-elles vraiment été tirées ? Pour les familles des 42 victimes, la réponse reste amère.

Cette tragédie est le symbole du déclin l’industrie du charbon déjà concurrencée par le pétrole. Les puits ferment progressivement jusqu’en 1990, date à laquelle le dernier morceau de charbon est extrait dans le Nord-Pas-de-Calais.

L’industrie minière, elle, a laissé des traces partout dans nos paysages et nos rues, mais, derrière ces traces, il y a le dur labeur de nos parents, grands-parents, arrière-grands-parents qui ont trimé, sués sang et eau, parfois dès l’enfance, pour mourir asphyxiés par la poussière du charbon ou dans un accident du travail. In memoriam.

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